Guitares anciennes et petites guitares:
Bien avant l'ère chrétienne et encore au moyen âge en Europe, il
existait de petits instruments à plectres dont les côtés étaient
incurvés: est ce pour des raisons acoustiques ou pour faciliter le port
sous le bras ? On l'ignore. D'après les documents qui représentent ces
instruments, on constate qu'ils ne ressemblent jamais tout à fait à une
guitare. Et si le terme "guitarra" est cité dans un traité espagnol du
XIIIème siècle, c'est seulement à la fin du XVème siècle que la forme
caractéristique de l'instrument commence à s'affirmer. Dès le milieu du
XVIème siècle, il est très répandu en France et en Italie ainsi qu'en
Espagne, d'où il serait originaire; il s'agit alors d'une petite
guitare à quatre choeurs (cordes doubles) pour laquelle il existe des
livres de tablature depuis 1546 en Espagne et 1556 en France (elle
porte le nom de
"guiterre" ou "guiterne"(voir Cistre)).
De nombreuses variétés régionales de petites guitares du même type
abondent dans les pays hispanisants. Le principe de base est le même
que pour les quatre premières cordes de la guitare, ce qui permet de
transférer facilement les schémas de doigtés d'un instrument de la
famille à un autre. Des groupes d'instrumentistes grattaient en fait
l'instrument selon les schémas rythmiques élaborés pour les danses et
les sérénades, alors que la mélodie était souvent jouée à la
bandurria .
Guitare à cinq choeurs (dix cordes) :
Elle existait aussi au XVIème siècle, mais n'a commencé à être vraiment
connue que vers 1600 et elle s'est imposée partout comme une guitare
courante jusqu'à la fin du XVIIIème siècle: c'est la guitare "baroque"
que l'on voit sur d'innombrables tableaux et dont de nombreux
exemplaires ont survécu; un grand nombre de ces guitares sont enrichies
de marqueterie qui en couvre toute la surface, et la table est
recouverte par une ouïe circulaire ornée d'une rosace décorative. Comme
sur de nombreux autres instruments à cordes, les courbes de la partie
inférieure et des épaules sont formées d'arcs de cercles qui se
chevauchent et dont le centre se situe sur la ligne de largeur maximale
du haut et du bas de la caisse. Aux extrémités supérieure et
inférieure, ces arcs de très large rayon centrés quelque part sur la
ligne centrale de la caisse. La taille se compose d'arcs plus
complexes. Naturellement, les proportions varient, souvent selon une
relation numérique donnée, parfois même selon un rapport du nombre
d'or: a/b = b/(a+b)
Le bois de la table se prolonge légèrement sur le manche et rejoint la
touche qui se situe au même niveau et comporte des frettes en boyau. Le
dos peut être plat ou voûté. La sonorité est, dans l'ensemble, moins
colorée que celle de la guitare moderne et ressemble d'avantage à celle
du luth.
La distinction entre les deux modes de jeu de l'époque - en tapotant
(rasguado) ou en pinçant les cordes - remonte au XVIème siècle
(peut-être même avant); pour le "tapotage", une tablature inhabituelle
a fait son apparition en Italie sous le nom d'"alfabeto".
Chitarra battente:
Les guitares à cordes métalliques des XVIIème et XVIIIème siècles sont
plus connues sous l'appellation italienne "chitarra battente" (guitare
en bateau, à dos bombé, à la capucine). Elles rappellent - et en fait
anticipent - la mandoline napolitaine, car leur table d'harmonie
s'incline depuis le chevalet jusqu'au bord inférieur, ce qui permet de
fixer les cordes non sur le chevalet frontal mais sur l'éclisse. Le dos
est généralement bombé. Elles sont souvent montées avec des doubles
cordes (pour le premier choeur) et des triples cordes pour les quatre
autres, soit un total de 14 cordes. Ce genre d'instrument est encore
utilisé dans les ensembles de musique populaire du sud de l'Italie. Au
Portugal, on continue à fabriquer pour la musique traditionnelle de
curieux modèles à cordes d'acier, reliques de l'ancienne guitare à cinq
choeurs, comme la viola braguesa et la viola de arma, instrument
national des Açores.
La guitare à six cordes:
La guitare moderne vient d'Espagne et remonte aux alentours de 1780,
époque où elle avait un sixième choeur; entre 1790 et 1800, le nombre
de cordes a été ramené aux six cordes actuelles, avec le prolongement
de la touche sur la table et l'adoption des frettes métalliques. Le
facteur de Cadix, Pages, semble avoir joué un rôle essentiel dans cette
évolution ainsi que le passage au barrage en éventail de la partie
inférieure de la table. En ajoutant la corde de Mi grave et en
supprimant les doubles cordes; le point central de la tessiture de
l'instrument s'est trouvé baissé. Et, pour pallier cela, on a élargi la
partie inférieure de la caisse et remonté le chevalet. Le profil de
l'instrument a beaucoup changé; mais certains modèles avaient une
taille plus accentuée; ils auraient presque la forme d'un violon si on
supprimait tous les coins retroussés. Telles étaient les guitares sur
lesquelles jouaient Berlioz, Paganini, Fernado Sor et d'autres grands
guitaristes-compositeurs de l'époque.
Toujours en Espagne, vers 1870, Torres (Antonio de Torres Jurado,
1817-1892) a commencé à fabriquer des instruments beaucoup plus grands
qui ont servi à définir la forme future de la guitare. Le rayon des
arcs du haut et du bas est plus grand, leurs centres sont plus espacés,
ce qui crée un large espace de vibration circulaire dans la moitié
inférieure, au centre duquel se situe le chevalet. Il semblerait que
Torres ait été fortement stimulé par le grand guitariste Francisco
Tarrega (1852-1909), qui a fait entrer au répertoire des transcriptions
pour guitare d'oeuvres de grands compositeurs, notamment de Bach; et
Albéniz aurait jugé les transcriptions pour guitare de ses oeuvres pour
piano supérieures aux versions originales. Tarrega est considéré comme
le fondateur de l'école moderne de la guitare classique. Il a été suivi
par Andrés Ségovia (1893-1987), qui a fait ses débuts internationaux à
Paris en 1924, puis par des instrumentistes aussi célèbres que Narciso
Yepes (1927, Espagne), Alexandre Lagoya (1929, France), Oscar Ghiglia
(1938, Italie), Turibio Santos (1943, Brésil), Julian Bream (1933,
Angleterre) et John Williams (1941, Angleterre) pour lesquels plusieurs
grands compositeurs ont écrit des oeuvres importantes. L'instrumentiste
travaille généralement avec le compositeur pour des questions de
technique et de détail (comme c'est souvent le cas lorsque des
compositeurs écrivent des oeuvres instrumentales de virtuosité). Ce fut
le cas, par exemple, des oeuvres composées à l'intention de Julian
Bream par Henze (trois tientos), Britten (nocturnal) et Bartók (cinq
bagatelles).
Répertoire:
La majeure partie des oeuvres destinées à la guitare à quatre choeurs
proviennent de sources françaises du XVIème siècle - remarquablement
éditées par Adrian Le Roy (vers 1520-98), Robert Ballard (vers 1575-
vers 1650) et Guillaume Morlaye (vers 1510- après 1558). Certaines
proviennent également d'Italie et d'Espagne. Plus de 250 recueils de
morceaux pour guitare à cinq choeurs ont survécu et, parmi les
compositeurs les plus éminents, on peut citer Giovanni Paolo Foscarini
(célèbre avant 1621-49), Francesco Corbetta (vers 1615-81), Giovanni
Battista Granata (mort après 1684), Robert De Visée (guitariste du
dauphin de France à la fin du XVIIème siècle), Gaspar Sanz (1762-1843)
et Santiago de Murcia (début du XVIIIème siècle).
Le XIXème siècle est dominé par la personnalité de deux guitaristes
compositeurs, en Italie, Mauro Giuliani (1781-1829) et, en Espagne,
Fernando Sor, surnommé "le Beethoven de la guitare". Matteo Carcassi
(1792-1853), Ferdinando Carulli (1770-1841), Dionysio Aguado
(1784-1849) et Napoléon Coste (1806-83) ont également apporté des
contributions moins importantes, et leurs oeuvres didactiques
constituent encore aujourd'hui la base de l'enseignement de la guitare
classique. Il ne faut pas non plus oublier que Schubert, Paganini et
Weber jouaient de la guitare et ont écrit de la musique de chambre avec
guitare. On apprend dans les écrits de l'un des amis de Schubert,
Umlauf, qu'il avait l'habitude d'aller le voir le matin avant son lever
et le trouvait la plupart du temps une guitare entre les mains- "Il me
chantait généralement de nouveaux lieder en s'accompagnant à la
guitare".
Dans le domaine de la musique de chambre, la guitare a conquis ses
lettres de noblesse au XXème siècle, de Webern et Schoenberg à Henze et
Maxwell Davies. La tradition du guitariste compositeur s'est propagée
de Tarrega (surnommé "le Chopin de la guitare") à Léo Brouwer (1939),
ce qui illustre la maxime de Berlioz selon laquelle seul un guitariste
peut écrire correctement pour la guitare. Toutefois, d'importantes
oeuvres solistes ont été composées au XXème siècle par Villa-Lobos,
Castelnuevo-Tedesco, Turina, Moreno Torroba (1891-1982), Joaquin
Rodrigo (le célèbre concierto de Aranjuez), Manuel Ponce, Lennox
Berkeley, Benjamin Britten, Malcom Arnold, Stephen Dodgson, André
Previn (concerto pour guitares acoustique et électrique), Maurice
Ohanna (Tiento et concerto pour guitare) et par de nombreux autres
compositeurs qui ne pratiquaient pas la guitare.
En dehors des oeuvres écrites spécifiquement pour la guitare, son
répertoire s'est enrichi d'un grand nombre de transcriptions: Ainsi,
des oeuvres pour luth, clavecin, piano, violoncelle, violon, etc. sont
souvent publiées et jouées dans des arrangements pour guitare, une
sorte de reconnaissance tacite du peu d'interet que les grands
compositeurs du passé ont porté à cet instrument.
• BIBLIOGRAPHIE
• -Dictionnaire encyclopédique de la musique (édition "Bouquins")
• -Encyclopédie de la musique (édition de l'olympe)
• -Histoire de la musique (édition Hatier)
• -Le grand livre de la musique (édition des deux coqs d'or)
• -Les cahiers de la guitare (magazine trimestriel)
•
• LES LIENS POUR VOS RECHERCHES :
•
Histoire de la guitare par François Faucher
•
Le musée pictural de la guitare par François Hirsh